DADVSI : en arrière la musique
Il y a maintenant trois ans je prévenais, ainsi que beaucoup d’autres, du danger de la loi sur le droit d’auteur de droits voisins dans la société de l’information, plus connue sous le petit nom de DADVSI. Un amendement, surnommé par les bloggers et les journalistes « Amendement Vivendi Universal », proposait d’interdire la simple mise à disposition du public de logiciels qui pourraient être utilisés pour contrefaire du contenu protégé par le droit d’auteur.
Et voila, on y est. La société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) poursuit quatre sociétés américaines au prétexte que leurs logiciels de peer-to-peer permettent de partager du contenu contrefait. Peu importe que ces logiciels servent à partager des logiciels libres ou de la musique légalement partageable, le fait qu’ils puissent être utilisés pour partager des œuvres dont la redistribution est interdite par leurs ayants-droits suffit à donner une chance à la SPPF de gagner une telle action en justice. Le texte de l’article L335-2-1 du code de la propriété intellectuelle est formulé en ces termes :
« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende le fait :
1° D’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’oeuvres ou d’objets protégés ;
2° D’inciter sciemment, y compris à travers une annonce publicitaire, à l’usage d’un logiciel mentionné au 1°. »
Notez bien le « manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’oeuvres ou d’objets protégés » employé ici : c’est lui qui peut faire la différence, le juge devant apprécier si cette condition est respectée. La loi pénale étant d’interprétation stricte, c’est peut-être ce qui sauvera nos logiciels de partage du jouc de la justice.
On pourra également remarquer qu’en cas de succès de l’action judiciaire, la SPPF aura beau jeu de la prolonger par l’attaque des fournisseurs de distributions GNU/Linux, car ceux ci fournissent en général certains des logiciels mis en cause (Azureus par exemple) dans leurs paquets. Ainsi que de tous ceux qui fournissent des dépôts, notamment en France, contenant une copie de ces distributions GNU/Linux (je pense à la quasi-totalité des fournisseurs d’accès par exemple). D’ailleurs, une des sociétés attaquées actuellement n’est autre que SourceForge, la plus grande plate-forme de développement de logiciels libres. Et ce uniquement parce qu’elle héberge et distribue un des logiciels de partage incriminés, même si la société ne contribue pas directement à son développement.
Oh, vous me direz que ça ne peut pas arriver chez nous, qu’on ne pourra pas interdire la distribution de logiciels libres sous prétexte que certains pourraient les utiliser illégalement. On parie ?